Biography
ACTE I Est-il encore besoin de présenter Lofofora ? Plus de quinze ans après ses débuts sur les cendres encore chaudes de l’alternatif, Lofofora demeure l’un des meilleurs représentants de la scène rock hexagonale, au-delà des modes et des courants auxquels on a bien voulu l’associer. À l’aube des années 90, Reuno (chant), Phil (basse), Edgar (batterie) et Pascal (guitare) développent l’identité et le son du groupe, à coup de titres engagés et militants sur fond de fusion d’éléments punk, hardcore et metal, voire même rap et reggae. La rencontre avec la structure Sriracha Sauce s’avère déterminante. La révolution s’organise. Lofo sort un premier EP autoproduit (mars 94), et signe dans la foulée un premier album éponyme (mars 95, produit par David Weber) chez Virgin (« la maison de disques des Sex Pistols ! »), soucieuse de trouver son Rage Against The Machine français, quand Island dégainait No One Is Innocent. « C’était la tendance du moment. On leur a laissé croire, parce que cela nous a servi de tremplin. Mais très vite ils se sont rendu compte qu’on n’était pas aussi formatés que ça ! », précise Reuno. Changement de line-up, Farid remplace Pascal à la guitare. À cette époque, le groupe parisien acquiert une reconnaissance un peu partout en France avec une série de concerts dont les moments forts restent la tournée avec Iggy Pop et la fête de l’Huma qui se termine en bataille de boue ! Après avoir écoulé plus de 45.000 copies de Lofofora, le groupe parisien retourne en studio et enfonce le clou avec deux albums produits par André Gielen, Peuh à l’été 96, puis avec le très noir Dur comme fer en mars 99, son dernier album en Major. Les collaborations et les projets fusent : Lofo enregistre un single avec le groupe de rap Kabal (juin 98), Phil travaille avec Noxious Enjoyment, et Farid développe son projet In Vivo, auquel il se consacrera à plein temps à l’automne 2001. L’album Double, composé d’un CD live et d’un CD de reprises (Arno, Gainsbourg, OTH, et le sublime « Madame rêve » de Bashung) et de compos réorchestrées, sort en avril 2001 chez Jaff, alors que le groupe traverse une période de doutes… ACTE II Été 2002. C’est l’heure des changements. Daniel (Noxious Enjoyment) succède à Farid à la guitare, et Pierre (Artsonic) remplace Edgar à la batterie, deux semaines à peine avant de monter sur la grande scène des Eurockéennes de Belfort où Lofo fait un triomphe. Nouveau line-up, nouvelle dynamique. « L’identité de Lofo s’est forgée avec Edgar et Farid, et s’est consolidée avec Daniel et Pierre. Nous sommes quatre personnes très différentes, mais humainement, il y a un équilibre qui se crée », ajoute Reuno. De retour dans le circuit indé, Lofo enregistre un quatrième album studio qui marque sa renaissance, le bien nommé Le fond et la forme, qui paraît en janvier 2003 chez Sriracha Records. C’est avec cette formation que Lofofora donnera ses meilleurs concerts à Paris, notamment ceux de la Cigale, en octobre de la même année. Concerts captés pour le double DVD+CD Live, Lame de fond (2004, Sriracha), qui s’écoulera à 14.000 copies. Le Sriracha Tour 2004 bat son plein. Lofo termine sur « Vive ma liberté » et un duo d’anthologie avec le chanteur belge, Arno. De retour en studio, il fait appel aux services de Fred Norguet (Burning Heads, Sleeppers) pour mettre en boîte un album très punk et brut de décoffrage, Les choses qui nous dérangent, qui paraît chez At(h)ome en avril 2005. Le coup d’envoi de la tournée est donné à Paris, au Trabendo, où le groupe enchaîne deux sets, jouant le dernier album dans son intégralité, avant d’enchaîner sur les « classiques ». Une tournée qui finira en apothéose en novembre 2005 dans un Élysée-Montmartre complet depuis des semaines. ACTE III Juin 2006, Lofofora s’installe en résidence au Moulin de Brainans et commence à composer ce qui deviendra son sixième album studio, Mémoire de Singes. Liberté de ton. Liberté d’action. Lofo marche à l’instinct, comme toujours, et compose 13 nouveaux titres bourrés d’énergie, nourris par le contexte social et politique actuel. Pour les mettre en valeur, le groupe confie la production de l’album à Laurenx Etxemendi dit « Laos », responsable, entre autres, du dernier album de Gojira, From Mars To Sirius, « le meilleur album fait en France ces dix dernières années », dixit Reuno. « On a gardé notre son, mais avec une approche un peu nouvelle, ajoute-t-il. Il y a une espèce de mise en scène d’orchestrations dans sa façon de mixer. Laos est capable de faire un son très large, mais ça ne le dilue pas pour autant. Il ose mettre des aiguës, de la réverbe, et ça reste très dynamique. » Juin 2007. C’est donc dans l’antre de la bête Gojira, au studio des Milans, que les Lofo ont posé leurs bagages pour trois semaines d’enregistrement et trois semaines de mixage. Des images fortes. Des histoires vraisemblables. Des mots qui résonnent. Les textes ont été écrits tout au long d’une année riche en rebondissements, élections présidentielles obligent, même si Reuno avoue avoir encore écrit une chanson la veille de l’enregistrement… « Quand j’écris, je fais exprès de me mettre en retard pour que ça sorte dans l’urgence. Même si Lofo existe depuis 15 ans, ce n’est pas une habitude, pas de la routine, mais un pari à relever tous les jours. C’est une musique de l’urgence, ce côté punk-hardcore et metal ». À noter la participation d’un invité, King Ju, trublion de Stupeflip, sur le titre « Torture » qu’il a coécrit. À l’origine, il venait voir le groupe pour réaliser la pochette, dont Phil s’occupait jusque-là. Mais très vite, l’idée d’un morceau en commun a germé. En quelques heures, les bases de ce morceau coup de poing, réunissant leurs deux univers, étaient jetées. « On avait un petit jeu avec Lofo, bien avant de les connaître. Quand on foutait le bordel dans des hôtels ou des stations-service, quand on se barrait, on gueulait : “On s’appelle Stupeflip et on vous emmerde !” La première fois qu’on a joué avec Stupeflip, je leur ai avoué ça et King Ju m’a répondu : “enfin un mec qui a compris à quoi servait notre groupe !” ». Avec Mémoire de singes, Lofofora observe sous un jour nouveau et décrit avec cynisme ce monde qui marche à reculons ainsi que la folie des hommes : « Pour quasiment tous les textes j’avais dans l’idée que notre monde ressemble à celui de Brazil, 1984, Soleil Vert, La Planète des Singes… ». Une fois de plus, Lofofora prouve qu’il a toujours une longueur d’avance, tant sur le fond que sur la forme. Il a laissé passer le train du néo-metal, au risque d’être montré du doigt. L’avenir lui a donné raison.